LES MILLES
LE CAMP
DE LA FRANCE
DE VICHY
C'est sous la 3e République, en 1939, que le camp des Milles ouvre dans une briqueterie, sur le hameau du même nom près d'Aix-en-Provence. Il reçoit dans un premier temps des Allemands et des Autrichiens. Alors qu'ils ont fui le nazisme, l'Etat français les voit paradoxalement comme des alliés potentiels de l'Allemagne alors menaçante.
A partir de 1940 et de l'instauration en zone sud du régime de Pétain, des personnes jugées "indésirables" par Vichy sont internées, principalement des républicains espagnols et des juifs.
10.000 internés de 38 nationalités
La mécanique de l'horreur se met alors en place, explique Alain Chouraqui, président-fondateur de la fondation du camp des Milles. "Dès 1942, Vichy organise à partir des Milles la déportation des juifs, alors que les Allemands n'ont rien demandé", rapporte ce responsable qui est aussi directeur de recherche au CNRS. Une centaine d'enfants font partie des convois pour l'Allemagne, via Drancy, "dont certains avaient moins un an", ajoute-t-il.
Le camp des Milles, qui a vu passer en tout 10.000 internés de 38 nationalités, est le seul camp en France a avoir été géré entièrement par les autorités françaises. Quand la zone sud est envahi par les nazis en novembre 1942, le camp des Milles a en effet été vidé de ses occupants. En tout, le régime pétainiste aura livré à l'Allemagne nazie 10.000 juifs de la zone dite "libre".
"Un site dans le présent, pour le présent"
Dans l'immédiat après-guerre, le camp est rendu à sa fonction industrielle première. La volonté de le mettre en valeur n'apparaît que dans les années 1980, relate Alain Chouraqui. "Après 40 ans de gêne et d'oubli, volontaire ou pas, une mobilisation citoyenne avec d'anciens déportés, d'anciens résistants, des militants anti-racisme s'est mise en place". Son mobile ? La salle des peintures, oeuvre des très nombreux artistes qui ont été détenus aux Milles, était menacée de destruction. "C'est le début de trente ans de combat", rapporte le président du site qui rappelle que Les Milles est "le seul et unique camp aujourd'hui en France qui est à la fois préservé et ouvert au public".
"Il y a eu des obstacles, de l'appréhension des autorités qui ne voyaient pas à quoi la valorisation du site pouvait servir", explique-t-il. D'où l'importance, selon lui, de développer "une mémoire-référence" plutôt qu'"une mémoire-référence et mortifère". C'est ainsi que depuis l'inauguration du site-mémorial du camp des Milles en 2012, Alain Chouraqui tient à inscrire ce lieu "dans le présent et au service du présent".
Le parcours proposé au public met ainsi en valeur "l'universalité des mécanismes" qui ont mené à l'horreur des camps. "Qu'ils soient individuels, collectifs ou institutionnels", précise le chercheur. Pour cela, l'approche "inter-génocidaire" met en lumière le génocide des Arméniens ou encore celui des Tutsis au Rwanda. L'objectif ? "Le site doit être utile au monde d'aujourd'hui, le public doit pouvoir utiliser ce qu'il y voit pour décrypter notre présent", relate Alain Chouraqui. D'où l'utilité d'offrir en plus "des actions de sensibilisation aux jeunes des quartiers difficiles"; ajoute-t-il.
Sent-il encore des réticences à mettre en valeur le site de l'ancien camp ? "Beaucoup moins qu'avant", estime le chercheur, qui y voit il y a "un effet de génération". "Celle qui a connu la guerre et qui était gênée aux entournures par cette période est en train de disparaître", reconnaît-il.
Arrivée d'internés au camp des Milles pendant la seconde guerre mondiale. (Fondation du Camp des Milles – Mémoire et Éducation / Mémorial de la Shoah)
2015 >
< 1942
Le camp des Milles est le seul camp en France a avoir été géré entièrement par les autorités françaises.
DÉPORTATION : QUE RESTE-T- IL DES CAMPS FRANCAIS ?